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La craniosténose, une maladie prénatale peu connue

Chaque année en France, près de 400 bébés naissent avec la tête déformée. Et malgré ce chiffre, qui représente environ 1 enfant sur 2 000, la craniosténose reste une maladie peu connue qui impressionne et effraie les parents qui viennent de donner la vie et qui découvrent la maladie de leur enfant.

 

La craniosténose est donc une déformation de la boite crânienne liée à la fusion prématurée os du crâne (à ne pas confondre avec une déformation temporaire liée à l'accouchement). Le cerveau étant en plein développement, il va donc manquer de place et être rapidement comprimé, ce qui entraine une hypertension qui risque de perturber l'évolution mentale par la même occasion. Dans certains cas, la maladie peut être plus grave : l'enfant peut également présenter des anomalies au niveau des membres ou du visage. Une opération est donc nécessaire afin de permettre au cerveau de se développer correctement.

 

Le corps médical n'étant pas toujours très disponible et à l'écoute des patients, il peut s'avérer difficile d'obtenir des informations fiables et rassurantes sur le sujet. Les parents avancent donc les yeux fermés vers l'inconnu, la boule au ventre. Ca a été le cas d'Ophélie, maman de Lynn, qui partage avec nous ce moment difficile et douloureux de sa vie afin d'informer et de soutenir les parents qui pourraient se trouver dans le besoin. 

 

 

Angie : La craniosténose de Lynn n'a pas été détectée pendant la grossesse, vous l'avez donc appris à sa naissance. Quelle a été votre réaction après ton accouchement ?
Ophélie : Nous avons appris que Lynn avait un problème quand elle a eu 2 jours, au passage de la pédiatre. On a compris que quelque chose n'allait pas quand elle a commencé à parler tout bas aux infirmières. Elle nous a dit ensuite que Lynn avait surement une craniosténose. C'est bien joli tout ca, mais c'est quoi ? Elle nous dit de pas nous inquiéter, qu'elle va faire des examens pour être sur (radio), et que si c'est le cas, elle nous enverra directement voir le neurochirurgien. Lynn devra surement subir une opération de la boite crânienne. Là, tout s'effondre. Impression de tomber dans le vide, d'être extrêmement "lourde", de s'enfoncer. Le coeur qui bat très vite, impression qu'il va éclater, les jambes qui ne me portent plus, et une boule au ventre, qui ne m'a jamais quitté jusqu'après l'opération, neuf mois plus tard.

 

Comment les médecins vous ont-ils parlé de cette déformation ?
La pédiatre a été un peu évasive, ce n'était pas à elle de nous l'expliquer vraiment mais au neurochirurgien : "C'est une malformation de la boite crânienne qui nécessitera surement une opération à 9 mois.". Avant de sortir de la maternité, direction le service neurochirurgie  rencontrer le Dr Boetto. Il a vu tout de suite que oui, effectivement, Lynn avait une cranio. Il nous a expliqué que l'os frontal, qui normalement n'est pas soudé pour que le cerveau puisse se développer normalement, est soudé pour lynn. Une opération sera nécessaire à 9 mois, ou avant si l'on s'aperçoit que le développement de ma fille n'est pas normal. Il nous a posé des questions sur la famille, les maladies familiales. On s'est donc aperçu que cette malformation est dû à mon traitement antiépileptique, la Dépakine (merci au neurologue de m'avoir prévenu des risques encourus ! Avec ce médicament, énormément de malformations de toutes sortes sur les bébés !). Alors là, nouveau coup de massue. J'ai culpabilisé et culpabilise toujours d'ailleurs, même si ce n'est pas de ma faute. On demande ce qui se passera si on ne l'opère pas. "le cerveau ne pourra pas se développer correctement, ce qui entraine retard mental et moteur.". OK, bah pas le choix alors.

 

Comment est-ce pris en charge ?
Il y a un suivi de l'enfant pour voir s'il se développe correctement, et peut donc attendre 9 mois pour être opéré. Tous les 3 mois il me semble. Au dernier rendez-vous, on fixe une date pour l'opération. Dr Boetto nous a expliqué ce qu'il allait faire. Ca ne rassure pas. Il n'y a plus qu'à attendre le jour J. Pour l'opération, Lynn ne devait pas être malade (même pas un petit rhume), ni avoir de fièvre. Pendant 2-3 semaines avant l'opération nous ne sommes donc pas sorti. Or de question de reporter cette opération, et l'angoisse qui va avec. Nous sommes rentrés à l'hôpital la veille. Un seul de nous deux a pu dormir avec elle la nuit. Lendemain matin, départ pour la salle d'op. Mon mari a pu l'accompagner au bloc et attendre qu'elle s'endorme. Et moi j'attendais dans le hall en pleurant. Mon mari est ressorti blême du bloc, notre puce a pleuré très fort d'angoisse juste avant de s'endormir. Il n'y a plus qu'à attendre. A toulouse nous avons une chance extraordinaire, cette chance s'appelle Anita. Elle fait partie d'une association (Oscar's angels) et a un accord avec l'hôpital pour pouvoir assister aux opérations et faire le lien entre les parents et le bloc. Elle nous a donc appelé 2 fois, la première pour nous dire que ca se passait bien et que Lynn était stable et la seconde pour confirmer qu'elle allait toujours bien,et que l'opération allait se terminer dans 30 min et qu'on pourrait venir dans environ 1h30. Nous avons donc attendu puis sommes allés en salle de réveil. Chacun notre tour. Je suis passée la première. Elle dormait, avec son petit turban sur la tete, son visage un peu gonflé, sa perf, et son nounou. Elle n'avait pas l'air de souffrir. Je l'ai caressé, embrassé, puis je suis sortie. Je ne pouvais pas rester plus longtemps. Mon mari a pris le relais. Je suis remonté dans la chambre vers 13h... elle n'est remontée avec son papa que vers 18h. Il fallait attendre le sang pour la transfusion. Le lendemain ses petits yeux se sont fermés, un vrai petit boxeur après un match., mais malgré tout elle jouait, était calme et ne souffrait pas. Ensuite ses yeux se sont réouverts. Les jours d'après ca allait de mieux en mieux, elle dégonflaitpetit à petit. Elle a été opérée un jeudi, nous sommes partis le mardi. Incroyable mais vrai. Elle allait très bien. Un peu de fièvre le mardi et le mercredi, puis plus rien (nous sommes d'ailleurs sortis de l'hôpital avec seulement du doliprane à lui donner en cas de fièvre et douleurs). Son visage a mis du temps à prendre sa forme définitive, mais on ne s'en aperçoit pas sur le moment, on trouve son visage "normal", c'est avec du recule et des photos qu'on s'en rend compte. 3 mois après l'opération, rendez vous avec Dr Boetto, tout va bien. Nous avons eu d'autres rendez vous (2 ou 3). Le dernier en avril, où le docteur m'a dit que tout allait bien, et qu'il ne reverrait Lynn qu'à la fin de sa première année de maternelle. Normalement elle va être suivie jusqu'à sa rentrée en 6ème. Je crois que ca va etre une fois en maternelle, une fois en primaire, puis en 6ème. Si tout va bien (ce qui d'après le Dr sera le cas pour Lynn), on ne le reverra pas plus, et pas plus longtemps. Il m'a dit rester à disposition si on a une inquiétude.

 

J'imagine que c'est très difficile pour une maman de voir son enfant (surtout quand ils sont si jeunes et si fragiles) subir une opération aussi lourde que celle-ci. C'est une épreuve qui laisse des marques, plus chez les parents que chez l'enfant. Comment l'as-tu vécu ?
Je l'ai très mal vécu, d'autant plus que, comme je le disais, sa malformation venait de ma prise de médicaments. En 9 mois j'ai pris environ 15 kg, je me suis réveillée tout les matins avec une boule au ventre, je pleurais souvent mais pas devant ma fille. Je lui ai souvent demandé pardon, et lui ai expliqué très souvent qu'on devait lui réparer sa tête. Le séjour à l'hôpital a évidemment était très dur, je sortais souvent pleurer un bon coup dans le couloir pour pouvoir rester calme et "décontractée" devant ma fille. Et puis quand tout à été fini, un sentiment de "légèreté". Plus de boule au ventre, plus d'angoisse constante. J'ai par contre ressenti le contre coup en début de cette année, quasiment un an après. Je n'avais pas "fait le deuil" si je puis dire, de l'opération. Maintenant ca va, j'ai bien tout encaissé et assimilé la chose. Ca peut paraitre étrange que ca se soit fait si tard. Je pense que c'est le jour où le docteur m'a dit qu'il n'avait plus besoin de la revoir avant la maternelle. Je pense qu'à ce moment j'ai su que c'était vraiment fini, que tout allait bien. Une autre chose très dur à vivre, c'est le changement de visage de son enfant. Pendant 9 mois j'ai connue ma fille avec sa craniosténose qui lui donnait un visage particulier, et pof, du jour au lendemain, "nouveau bébé". En rentrant de l'hôpital j'ai culpabilisé (encore!) car je ne reconnaissait pas bien ma fille... le pédiatre m'a rassuré en me disant que ma réaction était tout à fait normale et que ca allait passer. C'est effectivement passé au bout d'une semaine.

 

Et la papa ?
Même si ca a été dur, évidemment, il a mieux géré son stress que moi. A l'hopital il n'a d'ailleurs  pas compris que je sois obligée de pleurer. Pour lui, ce n'était pas à moi de pleurer, seulement à ma fille. Dans sa tête c'était une épreuve pour elle, pas pour nous. Ouais, débile comme réaction, j'avais pas besoin de ses reproches à ce moment précis de nos vies. Je lui en ai reparlé plus tard et lui ai dis que ca avait été les pires jours de ma vie, il était très étonné. Il s'est excusé et m'a dit qu'il ne s'était pas rendu compte que ca allait aussi mal pour moi.  Du coup il hésite à avoir un deuxième enfant, car il ne veut plus jamais revivre ce genre de chose. Comme quoi lui aussi ca l'a bien affecté malgré tout.

 

Pour la voir assez souvent, Lynn est une petite fille pleine de vie et très éveillée. On ne se douterait d'ailleurs pas un seul instant qu'elle a vécu déjà autant de choses ! Est-ce qu'au quotidien, cette craniosténose ainsi que l'opération qui s'en est suivie a changé quelque chose à sa vie ?
Et bien, niveau caractère je n'ai pas l'impression. Physiquement par contre elle a changé complètement ! Comme on le dit souvent avec Alex, on a un bébé avec un front normal maintenant. Pendant l'opération, effectivement le Dr Boetto a joué "au puzzle" avec son crâne mais il a aussi refait le nez (le haut) pour qu'il soit en harmonie avec le reste du visage et tiré les orbites pour que les yeux retrouvent leur "place normale". Et puis l'autre changement, c'est qu'on ne craint plus une stagnation de l'évolution motrice et intellectuelle... et ça, ça n'a pas de prix. Ah oui, le regard des gens a un peu changé. On ne me demande plus "si elle a été sortie avec les spatules", et si c'est pour ca qu'elle a le front en pointe ! Je pense donc qu'elle ne ressent pas le changement, mais nous si. Ca l'a surement marqué dans le fond, mais pour l'instant pas de problème.

 

Ta réponse à ce lourd moment de ta vie a été d'en faire un blog. Etait-ce "simplement" lié au besoin d'en parler ou en attendais tu autre chose ?
J'ai fait un blog pour plusieurs raisons : la première était d'informer, renseigner, voir dialoguer avec des parents dans notre cas. J'ai d'ailleurs très récemment eu un retour, puisqu'une maman m'a contacté pour des renseignements. Je l'ai donc rassuré,  je lui ai expliqué ce qui allait se passer, je lui ai dis que tout ce qu'elle ressentait était normal, que ca allait être très dur mais que ca se passerait bien. La puce a été opéré et la maman m'a appelé le soir de l'opération pour me donner des nouvelles. Je me dis que, même si c'est la seule maman à laquelle j'ai pu apporter du soutien, ca sera déjà énorme.
La deuxième raison était "familiale". J'ai évidemment donné des nouvelles et appelé les proches proches, mais raconter à tout le monde en détail ce qui s'était passé était un peu pénible à force. Je comprends tout à fait qu'ils veuillent savoir puisque proches de Lynn, mais on a pas envie de revivre tout le temps ce passage. Du coup, hop, un blog, le lien envoyé à tout le monde, et tout le monde est au courant de tout ce qu'a été cette épreuve.
Et la troisième raison... ca fait du bien d'exprimer ce qu'on a sur le coeur.

 

Si tu devais dire quelque chose aux parents qui sont ou seront dans cette situation difficile par laquelle vous êtes passés, que leur dirais-tu ?  
Je ne peux pas renseigner parfaitement tous les parents, sauf si l'enfant est opéré par le Dr Boetto, car chaque hopital fait différemment. Mais je peux expliquer en gros ce qui va se passer pour l'enfant, dire que c'est une opération très impressionnante, mais que vraiment, les enfants se remettent à une vitesse incroyable. Je n'en reviens toujours pas d'ailleurs. Et pourtant, on me l'avait dis, et je n'y croyais pas... c'est pourtant la pure vérité ! Tout simplement incroyable. Je peux aussi leur dire que c'est un des moments les plus durs de leur vie. Le plus difficile mentalement, c'est tout ce qu'il y a avant. On fantasme complètement puisque c'est l'inconnu. On ne sait pas ce qui nous attend, c'est une attente vraiment insoutenable. Une fois qu'on entre à l'hôpital, on est "dans le bain", y a qu'à gérer les émotions. C'est très difficile, une angoisse latente... Emmener son bébé au bloc, c'est très très difficile, car l'enfant commence à se rendre compte qu'un truc n'est pas normal. Le stress commence à le gagner. Une fois au bloc, y a plus qu'à attendre. Lorsque l'on voit son bébé la première fois apres l'opération, l'angoisse descend d'un cran. Même si ce qui suit ne va pas être facile, on est tellement soulager de voir que son bout de chou va bien, et que le plus dur est passé. Et puis après tout va très vite et on est porté par le personnel hospitalier. Le visage de bébé change toutes les heures mais ca disparait aussi vite que c'est venu, et son punch revient très très vite.

 

 

Un grand merci à toi Ophélie d'avoir pris le temps de répondre à mes questions et d'y avoir mis ton coeur à nu.

 

Je vous invite à poursuivre la lecture avec son blog : lynn-et-sa-craniostenose.

 

Vous trouverez également plus d'informations sur la maladie sur le site hypophosphatasie.com.

 

{ by Angie }



06/07/2011
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